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François Gomis

Photo Emmanuel Laurentz

né à Paris le 10 avril 1953 

François Gomis fait sa première course à 19 ans en 1973 (La côte Lapize à Montlhéry). Après des études secondaires à l’École des Roches (Verneuil-sur-Avre), comme son frère Laurent, puis étudiant aux Beaux Arts de Paris et travaillant à mi-temps pour financer ses études chez Charles Krajka (à l’époque premier concessionnaire Moto Guzzi de France), il a choisi pour courir une Moto Guzzi 750 V7 Sport, Charles Krajka ayant décidé de l’aider.
La moto italienne avec son moteur bicylindre 4 temps n’était a priori pas compétitive, malgré une très bonne tenue de route, face à la Kawasaki 750 H2 - 3 cylindres 2 temps, très nerveuse, qui était alors la reine pour les pilotes débutants.
Pourtant, François Gomis se fait rapidement remarquer en Critérium 750, catégorie mise en place par la Fédération Française de Motocyclisme pour déceler les jeunes talents. À noter que le point fort de la V7 Sport n'étant pas la nervosité, il se retrouvait toujours dernier au premier freinage après le départ d’une course ! En 1974, François court à nouveau en Critérium 750, toujours avec la V7 Sport, progresse en pilotage et arrive plusieurs fois à terminer dans les 10 premiers. Il participe également au Tour de France (5e au classement des circuits) et est finaliste du Casque Total (gagné par Hervé Guilleux) la même année.
En début de saison, il s’était sans problème qualifié pour la phase finale de la Coupe Kawasaki - coupe de marque, autre tremplin pour les jeunes pilotes - avec une moto standard prêtée par un ami. Mais il préfèrera ne pas disputer cette coupe qui demandait un investissement temps total pour réussir.

Toujours grand amateur d'angles et de gros freinages, il gagne le National 750 en 1975 avec une Yamaha TZ 350 achetée d’occasion et est 3e du Trophée de France 750 derrière deux Internationaux. À noter que la Fédération ne décerne pas officiellement de titre de Champion de France National 750 cette année là.

Il attaque la saison 1976 avec beaucoup d’ambition, sa licence Internationale, une TZ 350 C neuve (la première TZ à cantilever) qu’accepte de lui vendre Jean-Claude Olivier l’importateur Yamaha, quelques contrats sportifs (cuirs Dada, Michelin, Marchal, Nava) et un engagement au Grand Prix de France au Mans.
Une grave chute en essais privés va stopper sa carrière en vitesse (voir plus bas).
Sa vie de famille et professionnelle étant sa priorité, et après l’accident, François Gomis s’est rendu compte qu’il n’avait plus l’attaque qu’il avait jusqu’alors. Il cite aussi Enzo Ferrari qui a dit : « Un enfant, c’est une seconde de plus à chaque tour » ! Il va donc complètement décrocher de la vitesse et dispute « seulement » quelques courses d'endurance de 1977 à 1980 terminant 10e, 12e ou dans les 20e des Bol d’Or et des 24 Heures du Mans. Faisant équipe avec son frère Laurent (de 2 ans son aîné), ils étaient suffisamment rapides pour être pilotes de l’importateur Suzuki en 1979 et réussir à courir les autres années en semi-pro ou, comme le dit François : « En catégorie gentlemen very fast drivers » !
Reste qu’au total, François Gomis n'a pris dans toute sa carrière qu'un peu plus de trente départs, ce qui est très peu à une époque où l'on courrait souvent dans plusieurs catégories. Rappelons que dans les années 70, un pilote faisant le Continental Circus en 250 et 350 et s’alignant dans les courses internationales, pouvait disputer une quarantaine de courses par saison.
François Gomis dit avec le recul : " J'aurais dû arrêter de courir lorsque que j'ai su que j'allais être père d'une petite Marie en 1974, idem en 77 pour la naissance d'une petite Claire " et ajoute : " J'ai trop intellectualisé un sport, à la fois monstrueux et merveilleux, où il ne faut surtout pas réfléchir ". 

Ses meilleurs souvenirs 

sont les félicitations de Gérard Choukroun et de Patrick Pons en 1975, de Christian Léon à la remise des prix des 24 Heures du Mans 1979, et l'ambiance incroyable, " surréaliste " de la moto dans les années 70.

Ses plus mauvais souvenirs ? 

Être obligé de démonter sa V7 Sport 750 en 1974 pour prouver qu'il n'était pas en 850. Il dira alors : " C'est la poignée de gaz qui est en 850, pas le moteur ". Autre mauvais souvenir, un problème d'allumage sur sa TZ lors de la seule course 250 à laquelle il a participé (La Châtre 1975, pole-position, en tête jusqu’à mi-course, termine huitième). Enfin la douzième place aux 24 Heures du Mans 1980 avec la Kawasaki 1000 Motoplay (ex Jean-Bernard Peyré) est pour lui une grande déception. Une chute mais surtout la casse incompréhensible de la culasse en début de course (avec le retour aux stands en poussant) les empêchent avec son frère Laurent de terminer septièmes ou huitièmes, ce qui, pour eux qui ne faisaient que deux courses par an, les aurait confirmés parmi les meilleurs pilotes privés du monde (ils avaient terminés dixièmes l’année précedente avec la Suzuki GS 1000 S). Sur l’autre Kawasaki de l’écurie, Philippe Vassard et Gilles Desheulles finissent cinquièmes.

Ses pilotes français préférés sont (entre parenthèse ce qu'il a vu d'eux) : Pons (discret et très gentil), Rougerie (lucide), Fernandez (perfectionniste), Baldé (élégant), Choukroun (un regard d'enfant), Husson (son anarchisme assumé), Soulas (tranquille), Rigal (déterminé), Ruiz (grand caractère), son frère (polyvalence bitume/TT). Un seul pilote étranger l'a vraiment impressionné, Cecotto qui est pour lui le talent pur.

François Gomis n'a plus conduit une moto depuis le Bol d'Or 80 (hormis deux heures dans une course d'endurance TT en 1985). Il garde un bon souvenir de son bref passage dans la presse moto de 1978 à 1980 (voir plus bas) et sera l'un des cadres de l'Écurie Pernod en 1981, l’année de la disparition de Michel Rougerie.
Il oubliera ensuite la moto pendant plus de 25 ans, ne voulant même pas en entendre parler. Journaliste en radio pendant une dizaine d'années puis dans l'automobile, ensuite conseil en communication, il est cinq fois grand-père, aime dire des bêtises, l'Histoire, la musique classique et n'a pas la télévision. Il est céramiste, entre autres activités, parmi lesquelles l’animation de l’association Bike 70 avec son fondateur Francis Boutet et Jean-Claude Jacq.

L’accident

En 1976, pour sa première année en International, François Gomis a pu commander la moto idéale pour un pilote privé : une Yamaha 350 TZ C neuve compétition client. Les Internationaux confirmés étant servis en premier par Sonauto, l’importateur Yamaha, il reçoit sa TZ juste avant le Grand Prix de France et commet une erreur de jeunesse en allant immédiatement l’essayer à Dijon-Prénois sans démonter le moteur pour vérification. Un roulement de vilebrequin lâche et bloque le moteur dans le grand gauche du S des Sabelières. Dans la chute, la TZ lui tape violement le dos, ce qui va compromettre sa participation au GP de France et sa saison. Cet accident va le faire réfléchir (il est père de famille). Il ne reprendra la compétition qu’au Bol d’Or 1977 pour raccrocher casque et combinaison au Bol d’Or 1980.
Passé la cinquantaine, il ressent plus durement les conséquences de cette chute, ce qui lui fait dire qu’il n’y a pas d’âge pour rencontrer sister morphine ! François Gomis est surtout heureux de ne pas s’être fait plus mal et pense à toutes celles et à tous ceux qui ont eu moins de chance que lui en citant par exemple Anne-Marie Lagauche, disant simplement « Je pense souvent à elle ».

Anecdote

En 1974, François Gomis faisait équipe avec le regretté Gilbert Lavelle (vainqueur du Critérium 750 cette année-là) à la course d'endurance de la Coupe des 4 saisons au Castellet avec des H2 (course à l’américaine). Ils étaient en deuxième position quand il passe Hervé Guilleux et sa 400 Kawa juste avant les esses de la Verrerie. Après ces esses, au tout début du freinage de la chicane, la 400 percute la H2 par l’arrière. Grosse chute pour les deux pilotes. Ils ne « s'engueulent pas ». Gomis dit à Guilleux : « Tu as oublié qu'une H2 freinait plus tôt qu'une 400 ». Guilleux répond : « Tu as fait un écart ». Bref ce qu'on appelle un incident de course. Les deux protagonistes se croisent par hasard et brièvement alors qu'ils ne s'étaient pas vus depuis une quinzaine d'années. Et de quoi parlent-ils ? De leur gamelle, chacun étant toujours sûr d'avoir raison.

Gilbert (Gilbert Lavelle)

En arrivant aux essais du Bol d’Or 1976 au Mans, à l’entrée du parc coureurs, François Gomis, avec son épouse Élisabeth, croise Éric Saul. François dit à Éric : « Ça va ? ». Éric répond : « Non, Gilbert (Lavelle) vient de se tuer ». « Comment ? » demande François. « Il est tombé au Chemin aux Bœufs. Peut-être la boîte de vitesses… » répond Éric. Silence. Puis ils se séparent avec juste un banal « à plus tard », conscients que cela aurait pu arriver non pas à Gilbert mais à l’un ou à l’autre. Pas un mot de plus.
Élisabeth ne dira rien.
Les pilotes sont incroyablement égoïstes.

La presse

François Gomis a brièvement été journaliste essayeur (pigiste régulier) à Moto Journal (1978 et 1979) puis rédacteur en chef de l’éphémère (4 numéros !) et luxueux mensuel Motoplay en 1980. Il a fait ensuite une belle carrière dans le journalisme en informations générales en presse écrite quotidienne, en radio (formé à Radio France) et dans une moindre mesure en télévision (pigiste).
Présentateur d’informations matinales sur les ondes, François Gomis a aussi couvert des élections présidentielles en France et aux USA (à Washington) mais aussi sept Roland Garros (Noah 1983, il y était !), quatre tournois de tennis de Bercy, entre autres. Il a également été envoyé spécial dans une dizaine de pays pour toutes sortes d’événements et rédacteur en chef. À noter qu’à la fin des années 80, il a présenté des infos en radio avec en studio comme animateur Arthur, Laurent Boyer et Nagui à leurs débuts sur une antenne nationale !
Passionné d’automobile, il a aussi été dans les années 90 journaliste essayeur berlines et 4x4, Enfin, il a été longtemps free-lance en communication d’entreprise.
Il est également photographe, comme l’étaient tous les journalistes dans la presse spécialisée. Du temps de l’argentique et des pellicules, quand les journalistes débutaient, on leur apprenait à se servir d’un appareil photo reflex. François tient à préciser que les photographes étaient, eux, de vrais « pro ».

Le retour de la passion

En 2007, son frère Laurent, dispute le Bol d’Or Classique avec Jean Basselin sur une Moto Guzzi Le Mans. Alors que François n’a été qu’une seule fois sur un circuit en 25 ans, il vient quant même voir son frère à Magny-Cours. Il y rencontre Francis Boutet, grand passionné de moto, ami proche de Bruno Bonhuil (disparu au GP de Macao en 2005), et créateur et webmaster du site brunobohnuil.com et du site internet Bike 70, qui est déjà le site de référence pour le sport moto français. Ils sympathisent et Francis lui demande s’il veut y contribuer à bike70.fr François retrouve la passion et collabore donc avec Francis et Jean-Claude Jacq (le « Monsieur Cinéma » de Bike 70). Le trio se révèle efficace, le site se développe, le Dailymotion Bike 70 également et deux Facebook (l’un international, l’autre pour la France) viennent en complément.
La reconnaissance arrive avec la Fédération Française de Motocyclisme qui accepte d’être partenaire de l’association (Loi 1901) Bike 70 créée le 2 décembre 2013.

 De retour dans son univers de jeunesse, François retrouve ses amis d’antan, dont Daniel Adrian qui, parmi ses activités, s’occupe des pilotes de notoriété pour les Coupes Moto Légende à Dijon. Faisant le lien entre la moto et les années radio de François, Daniel Adrian le met en contact avec les organisateurs. Et François Gomis devient en 2010 l’un des speakers des Coupes Moto Légende, puis, plus tard, d’Iron Bikers, entre autres. 

Les « 10 glorieuses »

Si les années 60 sont les années de légende du sport moto, beaucoup appellent les années 70 l’âge d’or de la moto. Pour François Gomis, ces années 70 sont aussi les « 10 glorieuses », en référence aux « 30 glorieuses » de la société française - années 50/60/70 - synonymes pour beaucoup de développement et de liberté. Il souligne également que, par définition, on ne peut pas surfer tout le temps, et qu’il y a un moment où ça retombe ! Aussi, comme toute sa génération, il constate avec amusement et plaisir que ces années 70 sont devenues cultes, notamment pour les gens de marketing du début du XXIe siècle.

L’endurance, les premiers, et les autres.

En endurance, il y a les premiers et les autres. Terminant dixième, douzième et dans les vingtièmes de quelques Bol d’Or et 24 Heures du Mans entre 1977 et 1980 associé à son frère Laurent, François Gomis souligne que les pilotes de son niveau ont tous été dans leur pays les meilleurs pilotes nationaux avant de disputer les plus grandes courses d’endurance du monde. Et que, déjà à l’époque, les organisateurs de ces épreuves prestigieuses recevaient de nombreuses demandes d’engagement, sélectionnant les meilleurs pour participer aux essais qualificatifs.
Trouvant tout-à-fait normal que les premiers attirent l’attention du public et des médias, il cherche toutefois à remettre les pendules à l’heure et à valoriser les prestations de ceux qui ne sont pas toujours sur les photos ! Pour lui, terminer correctement l’une des deux plus grandes courses d’endurance du monde est comparable, au plan performance, à une vingtième, trentième ou quarantième place dans une finale olympique du marathon. Ou en tennis, en double, à un huitième ou seizième de finale à Roland Garros ou à Wimbledon.
Si on est pratiquant passionné de l’un de ces deux sports, il faut juste imaginer ce que c’est de courir avec un marathonien finaliste olympique, ou ce que c’est de jouer avec un joueur de double pour un tournoi du grand Chelem, classé 150e ou 200e mondial. Pour se faire déposer ou ne pas toucher une balle, c’est l’idéal…
En moto, avec les soi-disant « seconds couteaux » de l’endurance, c’est pareil selon lui.
François Gomis n’hésite d’ailleurs pas à sortir la liste (non exhaustive) des pilotes de vitesse (GP et 750) les plus connus avec lesquels il a partagé la piste, comme tous ses « collègues », sans qu’il y ait de problème, et en soulignant que le respect était mutuel lorsqu’ils étaient tous rassemblés : Sadao Asami, Jean-François Baldé, Kork Ballington, Guy Bertin, Gianfranco Bonera, Olivier Chevallier, Wes Cooley, Graeme Crosby, Boet van Dulmen, Thierry Espié, Bernard Fau, Marc Fontan, Michel Frutschi, Takazumi Katayama, Pentti Korhonen, Mario Lega, Christian Léon, Patrick Pons, Didier de Radigues, Phil Read, Hubert Rigal, Raymond Roche, Michel Rougerie, Christian Sarron, Éric Saul, Freddie Spencer…
Pas mal, non ? Et que le seul qui lui ait fait un extérieur imparable est Christian Léon (24 Heures du Mans 1979 au petit matin)…
Enfin, étant vivant et à peu près en bon état, François Gomis n’a aucun regret de ne pas avoir fait une vraie carrière.
Et de la dureté, voire de la cruauté, du sport moto de ces années-là, sa défense se résume en ces mots : « C’est comme ça ».


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